La privatisation d'ADP devient incertaine même si le référendum paraît écarté -DJ Plus
10 März 2020 - 3:25PM
Bourse Web Dow Jones (French)
Julien Marion,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Une épée de Damoclès s'éloigne de la
privatisation d'ADP. En mai, l'opération a été suspendue après que
le Conseil constitutionnel a validé la proposition de référendum
d'initiative partagée (RIP) visant à empêcher l'Etat de vendre tout
ou partie de sa participation de 50,6% dans l'exploitant
aéroportuaire.
Sauf coup de théâtre, la proposition de RIP butera sur son premier
obstacle: le recueil d'environ 4,7 millions de soutiens. Les
opposants à la privatisation ont jusqu'à jeudi minuit pour
rassembler ces signatures. Lors du dernier décompte publié la
semaine dernière, seuls 1,12 million de paraphes avaient été
réunis.
Néanmoins, tabler à court terme sur une privatisation d'ADP, et
donc sur le retour d'une prime spéculative sur la valeur,
représenterait assurément un pari perdant pour les investisseurs.
Interrogé par l'agence Agefi-Dow Jones, un porte-parole de Bercy a
affirmé que le gouvernement ne prendrait aucune décision avant
jeudi minuit. Dans le contexte actuel, "pas un Français ne
comprendrait que le ministre de l'Economie et des Finances ne fasse
autre chose que de se concentrer sur la réponse à la crise du
coronavirus", a de son côté déclaré Bruno Le Maire, lundi sur
France Inter, répondant à une question sur la privatisation de
l'exploitant aéroportuaire.
Air France annonce 3.600 suppressions de vols
Le coronavirus - auquel le PDG du groupe, Augustin de Romanet a été
testé positif, sans crainte pour sa santé - plombe l'activité d'ADP
et rend inopportune cette privatisation. Pas un jour ne s'écoule
sans qu'une compagnie aérienne n'annonce une réduction de ses
capacités. Air France-KLM, qui représente plus de 40% du trafic des
aéroports parisiens, a indiqué mardi prévoir l'annulation en mars
de 3.600 vols chez Air France. Les analystes de Citi, qui ont
dégradé la valeur à "vendre" lundi anticipent une chute du trafic
d'ADP de 10% à 30% d'un mois à l'autre entre février et juin. HSBC
a pour sa part réduit mardi de cinq points de pourcentage sa
prévision de trafic dans les aéroports parisiens, anticipant une
baisse de 2,6% pour l'ensemble de 2020.
"Le coronavirus et la chute de l'action [de 28% depuis le 1er
janvier, NDLR] réduisent énormément la probabilité de la
privatisation, l'Etat ayant tout intérêt à attendre que le cours
remonte pour mener cette opération", estime Charles Maynadier,
analyste chez Kempen & Co. "Compte tenu de l'épidémie de
Covid-19, les chances de réaliser la privatisation cette année
semblent s'être évaporées", tranche HSBC. La banque
sino-britannique juge invraisemblable que cette opération soit
menée en 2021, alors que l'élection présidentielle approchera.
Le camouflet de l'autorité de régulation
En plus du coronavirus, la privatisation d'ADP se heurte à une
autre incertitude majeure: la régulation. L'exploitant
aéroportuaire doit négocier avec l'Etat le nouveau contrat de
régulation économique (CRE) pour la période 2021-2025. Ce contrat
fixe à la fois les investissements programmés par ADP et
l'augmentation des redevances aéroportuaires que le groupe perçoit.
L'équilibre repose sur un taux de rentabilité, défini par le coût
moyen pondéré du capital (CMPC) sur le périmètre régulé du groupe,
soit les activités des aéroports parisiens hors boutiques, services
et immobilier.
"Il est difficile de privatiser ADP sans disposer de visibilité sur
le coût moyen pondéré du capital, qui est un élément clef sur
lequel les investissements et les tarifs des cinq prochaines années
sont basés", remarque Charles Maynadier, de Kempen & Co. Or, à
la fin février, l'Autorité de régulation des transports (ART) a
infligé un camouflet à ADP dans un avis sur le CMPC. L'autorité a
retenu un taux compris dans une fourchette de 2% et 4,1%, bien
inférieure à l'hypothèse du groupe portant sur 5,6%. Le groupe ADP
avait rétorqué qu'il ne partageait pas "la méthode, ni les
hypothèses, ni les conclusions retenues par l'ART dans son
appréciation".
L'avis de l'ART demeure consultatif et il reviendra à l'Etat et à
l'exploitant aéroportuaire de s'accorder sur le taux de
rentabilité. Mais une fois que les deux parties auront trouvé un
accord, elles devront saisir l'ART pour que l'autorité puisse
homologuer le contrat de régulation dans son ensemble.
La visibilité sur le titre ADP est donc assombrie par un nuage
d'incertitudes. Les investisseurs ne peuvent compter sur la
privatisation pour faire décoller l'action qui, malgré sa récente
chute, risque de rester clouée sur le tarmac.
-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94;
jmarion@agefi.fr ed: ECH
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