La bataille du droit de vote double met la saison des AG 2015 sous tension - Market Blog
08 April 2015 - 5:09PM
Bourse Web Dow Jones (French)
La saison 2015 des assemblées générales promet d'être chaude !
Cette année, les réunions annuelles des sociétés françaises cotées
auront un enjeu tout particulier. Les actionnaires devront se
prononcer sur l'instauration, ou non, d'un système de droits de
vote double qui ne sera pas sans conséquence sur la gouvernance de
certains groupes cotés.
Quelques explications s'imposent: en France, la loi dite
"Florange", adoptée l'année dernière, a instauré de façon
automatique l'obtention de droits de vote double pour toute action
détenue depuis deux ans à titre nominatif. La seule possibilité
pour revenir au système "une action, un vote", est qu'une
résolution en ce sens soit adoptée au deux-tiers par les
actionnaires lors des assemblées générales.
La période de détention des actions pour obtenir des droits de vote
double débute à la date d'entrée en vigueur de la loi Florange,
soit mars 2014. Cela signifie que les actionnaires présents au
capital à titre nominatif obtiendront en mars 2016 leurs droits de
vote double.
Ces investisseurs, qui auront gagné en influence sans avoir à
augmenter leur participation, n'auront aucun intérêt à revenir en
arrière. Pour les actionnaires opposés aux droits de vote double,
les assemblées générales 2015 sont donc leur dernière chance
d'éviter l'instauration d'un tel système de droits de vote.
Prendre le contrôle sans en payer le prix
Au yeux du gouvernement, l'instauration automatique de droits de
vote double pour les actionnaires présents nommément au capital
avait pour but d'encourager l'actionnariat de long terme. Les
détracteurs des droits de vote double dénoncent pour leur part les
effets pervers de ce système.
"Cela revient à donner trop de poids à certains actionnaires",
explique Loïc Dessaint, directeur général de Proxinvest. "Avec les
droits de vote double, un investisseur peut prendre le contrôle
d'un groupe sans en payer le prix".
En soi, le système des droits de vote double n'est pas nouveau. Il
existe en France depuis 1966. Au sein du SBF 120, 70 sociétés
disposent déjà d'un système de droits de vote double, selon les
calculs d'Exane BNP Paribas. Les 50 sociétés restantes ont pour la
plupart prévu de présenter une résolution pour maintenir le système
"une action, un vote". C'est le cas notamment de Renault (RNO.FR),
Air Liquide (AI.FR), l'Oréal (OR.FR) ou encore d'Unibail-Rodamco
(UL.AE).
La loi Florange n'annonce donc pas une révolution et ne va
réellement concerner qu'un nombre limité de sociétés. Mais pour
celles-ci, la question des droits de vote double revêt un enjeu
d'importance dans la gouvernance à venir.
Vivendi, Eiffage et Numericable en ligne de mire
Si l'on exclut les sociétés à capitaux publics, seules trois
sociétés n'ont pas proposé à leurs actionnaires une résolution pour
maintenir le principe "un vote, une action". Il s'agit de Vivendi
(VIV.FR), Eiffage (FGR.FR) et Numericable (NUM.FR).
Dans le cas de Vivendi, une résolution a néanmoins été déposée à la
demande de certains actionnaires pour maintenir le système de
droits de vote simple. Cette résolution n'a pas reçu le soutien du
conseil de surveillande du groupe, présidé par Vincent Bolloré.
L'instauration d'un droit de vote double chez Vivendi illustrerait,
s'il le faut encore, la montée en puissance de l'homme d'affaires
breton dans le groupe de média et de contenus.
Selon les calculs de Proxinvest, l'instauration des droits de vote
double chez Vivendi devrait permettre à Vincent Bolloré de détenir
dans un premier temps 18% des droits de vote du groupe. Cette
proportion est appelée à augmenter avec la récente montée au
capital de l'homme d'affaires breton.
Chez Eiffage, l'instauration des droits de vote double va encore
renforcer le pouvoir des salariés, qui détiennent 28% du capital.
Cela "constitue un outil anti-OPA très fort pour la direction",
souligne Exane. Quant à Numericable, les droits de vote double
pourraient permettre à la maison-mère Altice (ATC.AE) de céder des
titres pour financer des acquisitions, tout en conservant le
contrôle de sa filiale.
L'Etat, principal bénéficiaire des droits de vote double
Mais la loi Florange va surtout bénéficier à son initiateur: l'Etat
français. Ce dernier a tout intérêt à voter en faveur de
l'instauration de droits de vote double. Il pourra céder des
participations - il a déjà prévu de vendre entre 5 milliards à 10
milliards d'euros d'actifs d'ici la mi 2016 - tout en maintenant
son influence au capital des groupes cotés.
Pas étonnant dès lors que l'Etat soit allé jusqu'à augmenter sa
participation, et donc ses droits de vote, dans Renault (RNO.FR)
juste avant l'assemblée générale du constructeur automobile prévue
le 30 avril. Cela lui offre plus de poids pour voter contre la
résolution visant à maintenir un système de droits de vote
simple.
De la même façon, l'Etat a fait pression dès juin 2014 sur Bouygues
(EN.FR) pour rejeter une résolution visant à conserver les droits
de vote simple chez Alstom (ALO.FR). L'Etat, qui doit reprendre la
participation de 29% de Bouygues dans le groupe industriel, tient à
asseoir son influence. Ces enjeux concernent aussi GDF Suez
(GSZ.FR), EDF (EDF.FR), Aéroports de Paris (ADP.FR), Orange
(ORA.FR) et Air France-KLM (AF.FR).
Nul doute que pour ces sociétés, les assemblées générales devraient
être particulièrement animées cette année.
-Blandine Hénault, Dow Jones Newswires; +33 (0)1 40 17 17 53;
blandine.henault@wsj.com (ed/EC)
"Le Market Blog" est le blog économique et financier du Service
français de Dow Jones Newswires.
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